Je crois que je suis entrain d’envisager la solution de ne plus parler. M’enfermer dans le silence pour ne plus risquer de dire des choses que je regretterai. Et surtout, ne plus parler pour qu’on me parle moins également et que je reçoive moins de mots terribles. À quoi bon parler si personne n’écoute vraiment ? Mieux vaut ne rien dire. J'en viens à détester ma propre voix, à détester entendre cette espèce de cassure parce que j'ai la gorge serrée et que je me retiens de pleurer. Parler est un supplice. Parler, c'est dévoiler des choses sur soi et en demander sur les (...)
Une fois, j'ai vu un film avec un gars qui ne supportait plus de vivre. Il fait une sorte de pari, il se donne six mois pour chercher une raison de vivre et de croire en son existence, et si il ne trouve rien d'ici là il se décidera à mourir. J'ai décidé de faire pareil. Je me donne six mois. Jusqu'à mon prochain anniversaire. Mourir le jour de mes 23 ans, je trouve que cela a un côté poétique. Je me laisse six mois pour trouver une raison suffisamment forte pour réussir à virer la mort de mes pensées.
Chaque jour, je me sens un peu plus inutile. J'essaye pourtant de me battre (...)
Chaque jour ressemble au précédent. C'était déjà le cas avant le confinement, ça l'est toujours, maintenant. Je sors me balader, seule, j'évite les chemins et les routes, je ne croise jamais personne dans les montagnes et les forêts. Ma mère et mon frère essayent de rendre les choses normales, d'organiser des soirées de jeux en famille, de mettre de la musique ou des films. Mais cela ne change rien à mon état intérieur. Je souffre toujours. Je souffre et c'est pire encore que si j'avais le coronavirus, parce qu'on finira par trouver un remède et un vaccin contre ce foutu virus. (...)
En ce moment, il suffit d'écouter la radio pour se rendre compte à quel point les gens peuvent devenir encore plus idiots que d'habitude à cause du coronavirus. Je l'ai toujours dit : les humains sont cons. Et je m'inclus dans le lot, bien entendu. Peut-être que finalement, ce virus est le seul moyen que la Terre a trouvé pour se débarrasser de nous.
Beaucoup de personnes se sentent oppressées, angoissées. Certains au contraire se découvrent une sorte de courage et décident de participer à "la guerre", comme le dit notre incapable de président ; ils cherchent un remède, une (...)
Alors ça y est, le confinement a été déclaré. Super. Je me sentais déjà bien solo, mais là, au moins j'ai une sorte d'excuse. En un sens, tout est pire encore. Je tourne en rond dans ma propre tête, je ne dors plus qu'une heure ou deux par nuit, et j'arrête pas de sortir dans les montagnes pour courir, escalader, hurler, m'écorcher les mains dans les ronces, pleurer contre le sol de terre dure... et ensuite je retourne chez moi m'enfermer et tenter de dissimuler les traces qui pourraient dévoiler le monstre en moi.
C'est un autre niveau, maintenant. Comme dans les jeux vidéos (...)
Ce qui est marrant avec le coronavirus, c'est que d'un coup ça change la donne. Pourquoi ? Parce que j'ai cette espèce de satisfaction à voir des tas de gens paniquer, de les voir stresser et angoisser, de les voir devenir un peu comme moi, en fait ; les crises d'angoisse et autres moments de stress intense faisant partie de mon quotidien, ça ne me dérange pas vraiment d'avoir un nouveau potentiel sujet sur lequel paniquer. Et puis, j'ai aussi eu la pensée inévitable : si je me retrouve avec le coronavirus, peut-être réussira-t-il à me tuer, puisque j'en suis incapable seule. Donc, (...)
A mon inconnue connue : si tu savais comme je m'en veux de ne pas être aussi courageuse que toi.
A mon père : je suis désolée, désolée de t'imposer mon bordel émotionnel et de m'être encore une fois trompée en croyant que tu pourrais ne pas me décevoir.
A mon frère N : j'aimerais être un meilleur modèle pour toi, petit frère... un jour, peut-être me pardonneras-tu d'avoir failli à mon devoir de sœur.
A la seule personne que je peux encore appeler une "amie", c'est-à-dire L : je suis tellement désolée de ne pas pouvoir te rendre ton amitié, de ne pas réussir à me (...)
"Comment croire que je suis autre chose que la fille qui ne fait jamais les choses assez bien ?"
Je me rappelle avoir écrit cette phrase, il y a environ un an. Je ne crois pas avoir progressé par rapport à ces mots, je les vois tels qu'ils sont, et ils sont toujours d'actualité, ils sont toujours les miens parce que je les ai écrit mais aussi parce que si je les écrit aujourd'hui ils sortent directement de mon cœur comme autrefois.
Une fête d'anniversaire, vendredi soir. Cette soirée m'a rappelée le désastre de la nuit de samedi, la semaine dernière. Parce que pour ces deux (...)
"Je ne te le dirais jamais, mais tu me manques. Tu me manques alors que nous ne nous sommes jamais vues, comme si tu étais faite de vent et que mes yeux ne pouvaient te voir vraiment, comme s’ils étaient seulement capables de distinguer un changement dans l’air, infime signe de ta présence. Tu ne sauras jamais que je continue d’écrire des mots en pensant à toi. Je ne te le dirais pas. Mes mots sont ce que je suis ; ils peuvent être des plumes tout en étant des poignards… "
J'ai écrit ça à l'instant. Souvent, des envies d'écrire me viennent le soir, ou plutôt, la nuit, (...)
"Comme tous les jours /
Y a ce trou dans ma vie /
Rien ne dure toujours /
Il est parti sans détours /
Loin de moi désormais il vit /
La fille qu’il laisse a le cœur lourd /
Et n’ose plus espérer son retour... " (...)
C'est toujours ainsi. Une idée vient, j'essaye d'y réfléchir et de la soupeser, elle reste, elle s'impose comme un élément clef de ma vie, elle devient réelle parce que je finis par la concrétiser et lui donner corps, et alors elle se déchaîne et embarque au passage une partie de moi qui avait encore eu la folie d'espérer quelque chose.
J'avais écrit ces mots, il y a longtemps, à peu près au moment où mes moments de crise ont débuté. Les vraies crises, je veux dire. Celles qui m'ont fait passer pour une folle auprès de pas mal de personne parce qu'ils m'ont vue gueuler et (...)
Je crois que je n'ai jamais eu autant envie d'en finir qu'il y a quelques minutes. Je ne suis même pas sûre d'être véritablement calmée là. On fête l'anniversaire de mon petit frère, ce soir, et moi je veux juste m'allonger et ne rien faire, ne rien voir, ne rien entendre, ne rien penser... Je ne fais que m'écouter en boucle la chanson "Chasing cars" de Snow Patrol, j'essaye de faire comme si j'étais déjà morte et que je pouvais me fondre dans cette chanson pour mieux disparaître. Pourquoi je n'arrive plus à me convaincre qu'il y a encore de l'espoir ? Pourquoi rien ne me semble (...)
Nouvelle soirée. Nouveau moment passé à me demander ce que je fous là, au milieu de tous ces gens qui font la fête et qui s'amusent. J'ai rencontré un type qui m'a fait penser à mon ancien ami Marc ; gentil, avec un petit retard mental, timide, sympa. Je commence à me dire que c'est peut-être ça qu'il me faudrait pour réussir à accepter mon sort, il faudrait que je sois en couple avec quelqu'un qui a ce genre de retard mental, qui voit toujours tout de façon simple, qui ne réfléchit pas.
Une soirée, on est sensé en profiter... je n'ai fait qu'avoir des pensées affreuses. (...)
J'ai repris contact avec lui. Pourquoi ai-je fini par le faire ? Je l'ignore. Sans doute que j'ai laissé trop de place à la fillette en moi qui continue de pleurer et d'espérer un peu de tendresse et de réconfort. J'ai beau savoir que cet homme n'est pas la réponse, je vais le revoir. Je vais revoir mon père. Même l'écrire me semble idiot. Je voudrais qu'il y ait une réponse, quelque part, une solution... et mon fichu cœur de gamine voudrait que ce soit lui.
Avant, je parlais avec d'autres, je me confiais à propos de mon père, j'écoutais certains conseils et j'essayais (...)
Je suis chez ma mère, là. Elle écoute la radio. Elle danse, elle chante, elle s'éclate ; je l'entends parfois rire dans la cuisine. Pendant que moi, dans les chambres à l'étage, j'écoute "Rocket man" de Elton John, avec mon petit MP3, et que j'ai presque envie de pleurer. Je ne pleure pas, je retiens mes larmes. Et je vais descendre les escaliers, sourire à ma mère. Parce que je suis comme ça. Je ne sais pas faire autrement. Je ne sais pas comment faire pour que l'on puisse comprendre pourquoi je pleure. Je ne sais pas comment faire face à toutes les questions qu'on me poserait si (...)
Et bien, rien de nouveau. Oh si, juste une chose : le rendez-vous avec le psy a été un échec total. J'ai à peine évoquer quelques uns de mes problèmes les moins importants, mais déjà je sens que ça ne va pas. D'abord, j'ai eu droit à une écoute distraite, à des espèces de marmonnements qui sonnaient comme des conseils lancés au hasard sans savoir si je les avais entendus ou pas... en fait, je pense que le psy avait fumé avant le rendez-vous et qu'il était défoncé.
Rien de neuf, donc. Je sombre toujours, toujours plus loin... (...)
Depuis plusieurs années, l'idée de voir un psy me semblait complètement stupide. Dans mon enfance, j'étais suivie par une psy, une gentille vieille dame, qui m'aidait et veillait à ce que les disputes entre mes parents ne m'affectent pas trop, ne me perturbent pas dans ma petite vie de fillette. J'ai arrêté de la voir à mes dix ans, je m'en sortais toute seule. Ensuite, je n'ai plus pensé aux psys. Mais lorsque j'ai recommencé à me sentir perdue, je me suis dis que ça allait peut-être m'aider. Et j'ai erré de psy en psy, de rendez-vous en rendez-vous, des moments affreux et (...)
Encore cette impression, celle ne de ne savoir rien faire, de n'être qu'un boulet, une personne maladroite dans tous les domaines... Pourquoi chaque moment de ma vie me donne cette impression ? Je me sens tellement mal, les larmes aux yeux pour un rien, la colère contre tout le monde moi y compris, tout ça forme quelque chose de vertigineux qui me fait perdre pied. C'est à croire que je n'ai vraiment rien à faire ici, que j'aurais dû naître ailleurs, dans un petit recoin sombre de l'univers là où personne n'irait me chercher et où j'aurais pu continuer de rêver comme une enfant (...)
Putain de journée... C'est quand même assez rare que j'ai des journées où je me retrouve dans un état pareil, généralement c'est plus quelque chose qui ne dure que quelques heures. Mais là, j'ai eu la rage. Et pourtant, je n'avais aucune véritable raison d'être aussi en colère, d'avoir cette envie d'exploser à tout moment. J'avais même tout pour passer une journée des plus calmes. Un vendredi sans boulot, du temps pour moi et pour essayer enfin de dormir correctement, du silence pour écouter des chansons magnifiques et apaisantes... j'avais tout pour réussir à mettre mon (...)
I might as well be on Mars /
You can't see me /
I might as well be the Man on the Moon /
You can't hear me /
Oh, can you feel me so close /
And yet so far /
Baby, I might as well be on Mars...
J'ai réussi à rêver un peu, pendant cette interminable journée. Peut-être que ça semble quelque peu cliché mais... j'ai rêvé d'un autre monde. Et ça m'a aidé à supporter... eh bien, tout ce que j'avais à supporter. Souvent, j'ai cette impression de venir d'ailleurs, d'être tellement en dehors de tout ce qui existe dans ce monde-là... (...)