Mieux vaut ne rien dire
Je crois que je suis entrain d’envisager la solution de ne plus parler. M’enfermer dans le silence pour ne plus risquer de dire des choses que je regretterai. Et surtout, ne plus parler pour qu’on me parle moins également et que je reçoive moins de mots terribles. À quoi bon parler si personne n’écoute vraiment ? Mieux vaut ne rien dire. J’en viens à détester ma propre voix, à détester entendre cette espèce de cassure parce que j’ai la gorge serrée et que je me retiens de pleurer. Parler est un supplice. Parler, c’est dévoiler des choses sur soi et en demander sur les autres. Et je ne peux pas supporter de me confier, pas plus que je ne supporte d’entendre les autres me parler de leurs vies… Quand quelqu’un me raconte quelque chose, le plus souvent ça ne m’intéresse tellement pas que j’ai envie de hurler pour qu’il ou elle se taise. Tous ces gens qui brassent de l’air et qui s’attendent à une réponse, qui s’attendent à ce que je fasse comme eux… Je ne peux pas. Les seuls moments où j’agis comme ça, c’est quand je suis bourrée. Au milieu de la fête, avec de l’alcool dans le sang, je suis en mesure de faire assez bien semblant que je me préoccupe vraiment des autres. Et je parle beaucoup, quand je suis ivre, je parle parfois même trop et ça ne me dérange même pas ; dans ces moments-là, c’est le ras-le-bol qui parle, le "je m’en fous de tout". Personne, pas même ma famille, n’a cherché à comprendre mes mots, alors que j’ai essayé de me confier même si c’était presque insurmontable pour moi. Je vais arrêter d’essayer de me faire entendre ; tout le monde fait du bruit et ma voix se noie dans la masse. Mieux vaut que je me taise…
Je n’écrirai plus ici. Ecrire ici revient à continuer de hurler parmi la foule sans avoir la moindre chance de donner un sens à mes mots. Maintenant, je serai silencieuse. Et peut-être qu’on me laissera disparaître…