Quelques morceaux de moi

Seule au monde

Chaque jour ressemble au précédent. C’était déjà le cas avant le confinement, ça l’est toujours, maintenant. Je sors me balader, seule, j’évite les chemins et les routes, je ne croise jamais personne dans les montagnes et les forêts. Ma mère et mon frère essayent de rendre les choses normales, d’organiser des soirées de jeux en famille, de mettre de la musique ou des films. Mais cela ne change rien à mon état intérieur. Je souffre toujours. Je souffre et c’est pire encore que si j’avais le coronavirus, parce qu’on finira par trouver un remède et un vaccin contre ce foutu virus. Ma souffrance n’a pas de remède, puisque pour en trouver un, il faudrait déjà que j’arrive à savoir de quoi je souffre exactement. De la solitude, bien sûr. Mais il y a autre chose, il y a toujours autre chose…

Même sans le confinement, j’aurais arrêté de voir le psy. Notre dernier rendez-vous m’a fait définitivement comprendre qu’il ne peut rien pour moi. Je le savais, mais ça ne m’a pas empêché d’être triste et déçue. Une part de moi s’est encore laissé avoir par l’illusion, par l’espoir… et ensuite, je l’ai amèrement regretté. Je ne veux voir ni psy ni ami ni famille. Parce qu’ils restent dans leur monde et qu’ils ne peuvent pas ne serait-ce qu’entrapercevoir le mien. Je suis seule dans mon propre monde minuscule. Et j’ai mal.

J’ai les yeux qui me brûlent à force de pleurer et de passer trop de temps devant l’écran de mon ordinateur. Mais peu m’importe, je pourrais même devenir aveugle que ça ne me changerait rien, au fond. Idem pour mes oreilles, que je maltraite régulièrement ces jours-ci en redécouvrant une à une les chansons de Fear Factory. Finir sourde et aveugle n’est pas mon but, mais si cela finit par m’arriver, je m’en moque. Ce sera comme avec ma dépression, j’imagine. Certains me plaindront, d’autres s’énerveront contre moi en disant que je l’ai bien cherché et que c’est de ma faute, il y aura des personnes qui chercheront sans cesse des solutions pour que tout redevienne comme avant, il y en aura d’autres qui me mentiront soit-disant pour mon bien, d’autres qui n’hésiteront pas à me blesser avec la vérité parce qu’ils penseront que rajouter une plaie à quelqu’un qui en est couvert ça n’est pas bien grave… et au final, personne ne pourra faire quoi que ce soit. C’est dur d’aider quelqu’un à retrouver sa propre force de guérison, hein. Je l’ai fait, pour certaines personnes, je les ai aider à retrouver cette force, cette croyance, cette confiance en eux-mêmes, cette certitude qu’ils avaient les clefs de leur propre guérison. Combien de temps encore devrais-je attendre avant de rencontrer quelqu’un qui pourra faire de même avec moi ? Je ne sais pas, je ne sais plus… je finis par ne plus croire qu’une telle personne existe. J’ai envie de mourir, de fuir pour de bon dans mon petit monde. Seule avec moi-même. Et c’est déjà bien assez… je suis mon propre monstre, je suis sûrement l’un des meilleures reflets de ce qu’est l’humanité : quoi qu’il puisse arriver, l’humanité cause toujours sa propre perte…